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| Les coulisses de l'exploit DIAGONALE BREST - STRASBOURG réalisée par Philipe WAGNER
Lorsque
je monte les marches du commissariat de Strasbourg ce jeudi 9/8 vers 18 h 30,
terme de ma diagonale débutée il y a 4 jours, mes sentiments sont partagés
entre une certaine fierté, il faut le dire d'avoir été au bout d'un pari un
peu fou et le sentiment d'avoir repoussé mes capacités physiques au delà du
raisonnable du fait d'un orgueil et d'un ego excessif et à ce titre ne pas mériter
l'admiration de ma femme(enfin elle est pas béate je vous rassure) et mes amis
qui sont venus spontanément partager avec moi les derniers instants de cette
traversée de la France d'ouest en est. J'ai du mal à contenir le flot d'émotions
qui m'envahit alors, phénomène assez étonnant que je n'ai jamais connu
jusqu'alors et qui est certainement la conséquence d'une fatigue extrême
associée au combat contre la douleur que je mène depuis une trentaine
d'heures. Mais toute histoire a un début. Cinq
ans plus tôt c'est en feuilletant les pages de Cycle magazine que je découvre
l'existence d'une C'est
ainsi qu'est née l'idée de cette diagonale que je pensais tenter en 2006
projet que j'ai du alors abandonner du fait de problèmes de disponibilité
professionnelle. J'ai donc reporté ma tentative à cette année 2007 car
j'avais réservé initialement ces jours d'aout pour aller à la semaine fédérale
de cyclotourisme. et puis j'ai pensé que ce serait un beau cadeau pour l'année de mes 50
ans. Restait à savoir avec qui j'allais me lancer dans cette aventure. Mes
amis proches sont essentiellement des compétiteurs pratiquant le VTT et le vélo
de route mais certainement pas avec un garde boue au rythme d'un randonneur de
sorte que je devais chercher ailleurs. J'ai alors pensé à mon ami Fernand installé
non loin du Vercors toujours assez partant pour ce genre de défi mais j'ai
pensé qu'il serait un peu juste physiquement (Oh!! Oh!!! je plaisante
Fernand!) Non mais j'ai du lui en parler mais pour des raisons diverses et
variées ça ne collait pas. J'ai interrogé les amis du club local de
cyclotourisme dont certains étaient intéressés mais en même temps inquiets
par l'ampleur du défi. Jean
Pierre (Adam notre secrétaire du club des cent cols)qui a déjà quelques
diagonales à son actif aurait pu être avec moi mais pour lui la semaine fédérale
de cyclotourisme c'est sacré. C'est qu'il connait trop de monde le jean
Pierre à saluer. Bref je me suis dit: « ou tu la fais seul ou tu ne la feras
jamais » ce qui ne simplifiait pas l 'ampleur de ma tâche. J'ai
donc commencé l'année par de bonnes résolutions concernant mon entrainement
puisque tout mon problème allait être de concilier activité
professionnelle, préparation physique et vie familiale. J’ai donc décidé
d'aller tous les jours au boulot avec mon vélo au moins une fois par jour
qu'il pleuve vente ou neige: il faut savoir que je ne m'engageais là qu'à
effectuer une dizaine de km par jour avec 120m de dénivelée positive mais
enfin c'est un choix qui m'a permis d'endurcir mon Organisme
et de valider certains choix techniques (je me suis rendu compte que le système
d'éclairage par dynamo ne fonctionnait pas sous la pluie et je l'ai changé
pour un ensemble à piles. J'ai pu aussi apprécier le confort des différentes
selles testées car, si le trajet est court, il se fait sans cuissard et est
donc bien plus révélateur. Enfin j'ai pu terminer d'affiner les réglages de
position essentiels et variables dans la saison selon le nombre de km) Il
a ensuite fallu créer le tracé (heureusement j'ai pu bénéficier des
renseignements fournis par l'amicale des diagonalistes sur son site),le faire
valider par le délégué fédéral, réserver les hôtels, le train... En
matière de préparation donc y compris les 60 km hebdomadaires évoqués précédemment,
j’ai du effectuer environ 4500km dont 3000 en route et le reste en VTT plus
une semaine de raid alpin Chamonix Zermatt en avril (une bonne idée celle là
de mon remplaçant Paulo qui est bien plus que ça même qu'il a fallu trouver
un remplaçant au remplaçant pour partir ensemble) et une semaine de randonnée
pédestre à Madère en juin qui m'ont permis d'améliorer l'endurance que
j'ai naturellement grâce aux différentes activités physiques pratiquées
depuis des années. En juin juillet j'ai bénéficié du soutien de mon pote
Denis qui a effectué pas mal de sorties avec moi. Denis mon pote biologiste
que c'est une sacrée vedette celui là. Une bête physiquement qui aurait pu
m'accompagner ça c'est sur mais il avait pas envie. Y a des choses qui se
discutent pas . Enfin grâce à lui j'arrive à faire des sorties de 150km
sans trop de fatigue. Sa femme Aline elle dit que je vieillis mal(rapport à
ma tentative). Pourtant je ne me suis jamais senti aussi endurant. C’est
marrant cette vision différente que l'on a entre femmes et hommes. Elle a
peut être raison mais j'en suis pas sur. Le
14/07 à 3 semaines du départ je voudrais bien faire le maximum de vélo mais
je sens que Maryse fatigue sérieusement et je ne coupe pas au WE de rando en
Suisse à Kandersteg avec Paulo et Bénédicte. Super WE en fait avec grand
beau temps, compagnie sympa, parcours idem (a renouveler ça c'est sur) mais
je reviens avec des tendons d'Achille sensibles et un hématome sous unguéal
des 2 gros orteils du à une paire de chaussures inadaptées. Je ne sais pas
si c'est vraiment la meilleure préparation mais c'était ça ou un divorce et
comme j'ai pas envie du 2ème choix... Une
semaine plus tard je fais l'aller retour chez mes parents 135 bornes le samedi
et 230 le dimanche avec vent debout toute la journée. Je me sens plutôt
bien. Je trouve mon père en bonne En
arrivant au nord de Nancy je rencontre un confrère inconnu, un type avec une
randonneuse qui arbore l'autocollant de la confrérie sur son garde boue
c’est pas si courant. Il me dit faire partie des amis du randonneur et
connait bien Claude Raffenne comme moi de St Dié. Il me fait traverser Nancy
le long des berges de la Meurthe du nord au sud, voilà un itinéraire inédit. Derniers
réglages derniers préparatifs et je prends donc le TGV direction Rennes (génial
ce TGV Est, rapide confortable et pas de problème pour caser le vélo). Ais
je fait le bon choix en embarquant 2 sacoches surbaissées en plus de celle de
guidon ? J'ai quand même pesé le vélo à 25 kg sans la flotte soit 3 de
plus. Ais je pris tous les outils nécessaires ? Et les vêtements ? C'est le
moment de tous les questionnements, celui qui précède l'action moment
toujours difficile à vivre d'autant que je suis seul et il me manque un
copain pour raconter des conneries! J'arrive
à Brest samedi soir et vais directement à l'hôtel. Repas et coucher de
bonne heure car il faut que j'emmagasine un max de repos voilà ce que
j'essaie de faire depuis 15 jours même si c'est loin d'être facile entre les
amis qui viennent passer le WE, les enfants qu'on a pas vu depuis un (parfois)
long moment, le travail toujours aussi prenant mais passionnant (une bonne
cinquantaine d'heures hebdomadaires minimum),la vie qui s'écoule quoi! Dimanche
il fait grand beau et j'en profite pour effectuer une reconnaissance du début
du parcours (je fais environ 70km en ballade), étalonnage du compteur. Je
suis à l'écoute de tous les bruits du vélo. Ais je mis la bonne pression ?
4,5 bars dans mes megamium ça devrait le faire. Ouah c'est bien vallonné par
ici. En
me promenant le long de la mer en vélo je fais une chute en glissant dans un
virage dont le bitume est recouvert de sable et je n'arrive pas à décaler ma
pédale intérieure! Bilan paume de main G éraflée (évidemment j'avais pas
de gant) idem pour le genou et le coude. Sur le coup je suis très inquiet
pour ma main atteinte juste sur la zone d'appui du cintre. Faut vraiment être
abruti et en plus j'ai fait attention toute la journée et sur un instant de rêvasserie
je tombe! La selle a pivoté sur son axe idem pour le support de feu arrière
et la cocotte de frein. Heureusement rien de rédhibitoire et je redresse tout
ça. Je me console en allant manger 2 crêpes délicieuses et vite servies
(voilà ce qu'il me faudrait pendant ma traversée pour me restaurer). Après
midi visite de l'arsenal. Repas de bonne heure et coucher à 9h30. Je
suis réveillé avant l'heure prévue(étonnant cette capacité que l'on
acquiert en vieillissant d'anticiper l'heure du réveil. J’aimerai bien
retrouver mon sommeil de 20 ans).Je pointe au commissariat central de Brest à
4h30. Le flic de service n'a pas l'air surpris. « vous allez où? Ah oui!
Vont souvent à Strasbourg les candidats » (faut dire que c'est ça ou
Perpignan) Le
départ est facile d'autant que connu mais y a de la côte. Pourtant j'ai des
jambes de feu. La montée à Roc Trevezel me paraît malgré tout longue et
pis ça ressemble bigrement aux Vosges ici: sapins et brume matinale je suis
pas dépaysé. Et mais je vois toute la Bretagne d'ici! Ensuite longue
descente sur Carhaix Plouguier. Je prends le vent de dos heureusement car ça
reste vallonné. J’en profite pour vérifier que mon système de navigation
est au point. En fait j'ai scanné les cartes en format A4 que j'ai plastifié
recto-verso et je couvre l'ensemble de la diagonale avec 13 unités que je
fixe à la sacoche de guidon avec 2 pinces plus les cartes des villes traversées
imprimées avec le tracé à suivre au stabilo non plastifiées pour gagner du
poids.pas de problème de ce coté là. J'arrive
à Mael Carhaix contrôle n° 1 où je pointe à la poste après une tentative
à la boulangerie qui n'a qu'un tampon rouge sans signification. Ensuite contrôle
2 à Quédillac au relais de la Rance. La patronne est une habituée du Paris
Brest Paris « on fait le plein à chaque fois. Le chef est un fan de vélo.
Ici vous êtes les bienvenus. J'ai déjà des américains qui s'entrainent
actuellement pour PBP. » La journée se déroule sans encombres. Je traverse
de nombreux villages qui annoncent fièrement leur appartenance au parcours de
PBP.
Je
fatigue un peu à la fin et perds 20 mn à chercher mon hôtel à Fougères
(le plan que j'ai imprimé sur internet est complètement foireux).Arrivée à
19h un peu en avance sur le tempo. Au compteur 294 km et 21,7 de moyenne(donc
en décomptant les arrêts) mais surtout 2700m de dénivelée positive! Je ne
pensais pas en faire autant. Le
repas est divin avec petits légumes et purée d'aubergines même si peut être
pas assez calorique. J'essaie
de me réhydrater un max. La nuit est difficile. J'ai l'impression (fausse) de
ne pas dormir du tout. Tiens une averse pourvu qu'il ne pleuve pas demain.
Mais qu'est qu'ils ont les deux là à venir s'engueuler sous ma fenêtre!
J’entends toutes les heures et demi-heures sonner au clocher. Lever
à 4h petit déj dans la chambre et je pars à 5h. Le début est plus
difficile que prévu. Ne pas se fier au compteur mais aux sensations dans les
jambes car je vais me rendre compte au fil des jours que la mise en route est
de plus en plus longue. Je freine dans les descentes car j'ai peur d'une chute
due à un trou dans la chaussée que je verrais au dernier instant et l'éclairage
quoique correct est insuffisant au delà de 30 km/h (lampe Cateye). Un
lapereau vient courir en zig zag dans mon faisceau de lumière. A
Fresnay sur Sarthe je me sens mieux, effectue le contrôle prévu à l'office
du tourisme et lorsque je me dis que la vie est belle et que c'est pas si dur
que ça une diagonale voilà que j'attaque les collines du Perche. Obligé de
mettre le petit plateau une bonne douzaine de fois! Ah je m'en souviendrai des
Mamers Bellême et consorts...En plus j'ai la pluie encore hésitante et
intermittente. Maintenant ça va mieux en approchant de Chartres ça dénivelle
beaucoup moins et je trouve un garagiste pour tamponner mon carnet de route à
Bailleau le Pin. Je traverse Chartres sous un déluge du à un violent orage
et poursuis ma route avec un bon petit vent dans le dos qui me permet de
souffler jusqu'à Etampes où j'arrive avec 10 mn de retard sur le programme
(pas mal quand même le tempo) Au compteur 291 km et 20,57 de moyenne D+
2350m(encore!) l'hôtel est une étape typique de chaine hôtelière sans
saveur mais je ne suis pas là pour farnienter en profitant du décor. Ils
n'ont pas de local pour mon vélo et après discussion je peux le mettre dans
ma chambre qui est au RDC (sympa quand même). En effet chaque soir je dois
m'annoncer, trouver un local pour le vélo(et pouvoir le récupérer à
5h),demander un plateau petit déjeuner (avec un réveil à 4h tu penses!)
aller prendre ma douche, faire quelques étirements, téléphoner à ma femme
pour donner quelques nouvelles en commandant le repas puis étudier les cartes
pour Le
lendemain, en mangeant, tout en essayant de mémoriser les passages délicats
afin de ne pas perdre de temps. Coucher vers 22h plutôt bien fatigué. Je
pars sous la flotte direction Fontainebleau où je m'arrête prendre un café
bien chaud avec un croissant et je ferai là ma seule erreur de parcours car
le garçon de café m'affirme avec assurance que ma route est à l'opposé de
ma direction. En fait quand je demande un renseignement sur ma route les gens
n'entendent que la direction et pas les étapes intermédiaires encore moins
les N° de départementales qu'ils ne connaissent pas. « vous devez retourner
au carrefour de l'obélisque et là vous trouverez la route de Montereau
Fault-Yonne » Tu parles il m'a envoyé sur une nationale à 4 voies où les
bahuts me dépassent à 110. Moi qui ai essayé de tracer ma diagonale en évitant
au maximum les grands axes! heureusement je trouve un tracé de délestage via
Avon et Thomery puis Champagne sur Seine où je prends un pont qui me ramène
sur la rive droite de la Seine Ensuite c'est tout plat car on suit la vallée
de la Seine puis l'Aube. A Hermé je ne passe pas directement dans le centre
du village et ne trouve pas de commerce pour tamponner. Pas grave j'ai Le
parcours est plat et j'ai beau avoir le vent dans le dos je suis inquiet car
j'ai des débuts de crampes dans le vaste interne droit. Je m'arrête régulièrement
pour m'étirer et réduis mon allure moyennant quoi les crampes ne s'aggravent
pas mais elles laissent la place progressivement à une C'est
à Montier en Der après un contrôle chez la fleuriste « mais alors là vous
êtes en vacances ? Oui on peut voir les choses comme ça », que l'affaire se
corse car je rentre alors dans une zone très vallonnée ou je vais affronter
les côtes de la Marne puis de la Meuse. Et là c'est l'horreur! Ma cuisse me
fait terriblement mal, impossible de me mettre en danseuse et de soulager mon
postérieur. J’adopte une position sur le vélo un peu différente assis un
peu plus en arrière sur la selle afin de pédaler avec les ischio-jambiers de
sorte que l'appui périnéal se fait sur le châssis de la selle et non sur la
partie souple en cuir aggravant les problèmes de compression de cette zone. A
Montier sur Saulx la route est fermée à cause de travaux. J'hésite et décide
de l'emprunter malgré tout. A cette heure tardive seule une dameuse travaille
encore. J'effectue 5 km sur une sorte de trap damé sans trop de difficultés
grâce à mes pneus de 32 mm. La
douleur est telle que je crois abandonner 20 fois. J'ai appris depuis à bien
lire les cartes Michelin et suis capable de voir la moindre petite flèche
indiquant les déclivités ainsi que les cotes d'altitude. Heureusement
que je n'ai pas besoin de lunettes (c'est pratique parce que j'ai un œil
myope et un presbyte) car je lis et j'ai lu les cartes quasiment toujours en
roulant. Je me fais tout un tas de films Et
toujours cette douleur et maintenant les tendons d'Achille qui me font très
mal. Je pense alors qu'il m'a manqué 2000 km de préparation avec 2-3 WE à
600 bornes pour finir cette diagonale dans de meilleures conditions. Mais
comment font ils donc les diagonalistes ? Les « grognards » que dis-je le
corps d'élite de la fédé! Faut il avoir parcouru 10000 km pour être à
l'aise ou ne parlent ils pas de leur souffrance dans les compte rendu. A 30 km
de l'étape j'appelle l'hôtel pour leur signifier mon retard en espérant que
l'hôtelier proposera de venir me chercher. « pas de problème on vous attend
» me rétorque t 'il. Je suis bon pour finir l'étape à vélo et j'arrive
fourbu à Houdelaicourt avec 45 mn de retard sur l'horaire soit 20h45. Trouver
un emplacement pour le vélo, prendre sa douche, manger etc...Je trouve la
force de téléphoner à Maryse: -pas la grande forme. J'essaie de repartir
demain. Non je sais pas si je vais pouvoir franchir les Vosges. Je vais jusqu'à
Senones si je peux et je verrai. Bisous. Je
vais me coucher vers 10h30 285 km D+1745m moyenne 20,03 km/h Lever
à 4h. J'ai mal partout. Putain qu'est ce qu'il tombe! Je sors de l'hôtel en
claquant la porte derrière moi et charge le vélo. Merde j'ai oublié mon
compteur dans la chambre et plus moyen de
J'ai
comme autre avantage de connaître parfaitement la fin du parcours. Pour
l'heure il faut que j'aille jusqu'au pied du Donon et après on verra. Les
vaches me regardent en se demandant ce que je peux bien faire sur mon vélo.
Et moi aussi d'ailleurs: -mais tu l'as voulu mon gars. Tu voulais te prouver
qu'avec de la volonté on peut réaliser des projets un peu fous. Et ben pédales
maintenant. Je me souviens d'une conversation avec mon fils où paraphrasant
yoda le maitre Jedi de la saga Stars war, je lui avais expliqué que la force
est en lui. C'est un peu pour lui que je pédale aujourd'hui en espérant
qu'il comprenne que la force est en nous mais qu'il faut savoir s'en servir
,la contrôler, l'apprivoiser. Je pense dans ces moments là aussi beaucoup à
mes filles et ma femme, qui je sais, elles me connaissent, n'aimeraient pas me
voir abandonner face à l 'adversité. Pour
l'heure je ne contrôle plus grand chose. Je passe la Meuse puis la Moselle et
arrive à Baccarat.et ma cuisse qui me refait vraiment mal. Je sens que mes
forces me quittent, je me vide. Le moral est vraiment bas. J’arrive à Raon
tout près de chez moi et rencontre Stéphane venu à ma rencontre avec une
ambulance pendant ses heures de boulot. Non c'est pas pour moi l'ambulance. Je
vais pas lâcher le morceau maintenant. La fatigue et la douleur ne me
permettent plus de contenir mes émotions et je me mets à pleurer
stupidement. -qu'est
ce que je peux faire pour toi? -m'enlever cette putain de douleur! Heureusement
Stéphane habitué des efforts de longue durée comprend que ce n'est qu'une réaction
d'émotion passagère. -Eric
t'attend à Moyen moutier dans un abri bus. OK je continue mon chemin. Mes
tendons d'Achille ne sont que 2 lames de feu. Je ne passerai jamais le Donon.
Ah ça y est j'aperçois mon fidèle Eric qui a bravé le temps abominable (il
doit faire 10°C sous des trombes d'eau) pour m'accompagner jusque Strasbourg. -Et
mais t'as même pas de garde boue tu pourras jamais venir avec moi! C'est ce
qu'on va voir mon gars. j'ai pris une journée de repos pour aller à
Strasbourg avec toi. C'est sympa ça. Sa présence me fait le plus grand bien
et je retrouve quelques forces pour affronter la montée du col de Prayé qui
redescend ensuite sur le Donon. Nous sommes rejoints par Guy responsable d'une
entreprise de ramassage des ordures ménagères.
-
J'ai
bousculé les gars toute la matinée pour qu'ils terminent les tournées plus
tôt pour que je puisse être avec toi. T'as vu le temps qu'il fait!
Heureusement que les gens ne nous voient pas. Ils nous prendraient pour des
cinglés. Putain j'ai jamais monté le col aussi lentement. J’ai le
palpitant bloqué à 65! Hier j'ai fait une sortie avec Greg on a fait 150km en
se rentrant dedans comme t'imagines pas! Ses
conneries me font le plus grand bien même si je monte en zigzaguant sur la
route pour étaler la Finalement
je parviens à trouver les forces pour monter sans mettre pied à terre ce qui
me semblait impossible au bas de celui ci. Ensuite
c'est la descente sur Schirmeck puis direction Molsheim où je prends la piste
cyclable du canal de la Bruche. Parcours archi connu et je sais qu'il n'y a
plus de difficultés. J'entrevois le bout de mon entreprise. Piste bucolique
à souhait mais je n'y suis guère sensible aujourd'hui. Ecluses, canards,
cygnes, rats-gondin, cigognes...Une crevaison lente m'oblige à donner
quelques coups de pompe à 10 km du but. Ce sera mon seul souci mécanique sur
1100 km. J'ai craint longtemps pour ma chaine lessivée par la pluie mais j'ai
fait très attention lors des deux derniers jours à la ménager lors des
changements de vitesse et l'ai huilé plusieurs fois. Je
n'avance vraiment plus. Les réserves énergétiques de mon organisme sont
vraiment épuisées. L'entrée dans Strasbourg est un pur régal au niveau du
parcours. J'ai pu accéder au commissariat central sans quitter les pistes
cyclables et sans être jamais au contact de la moindre Je
retrouve ma femme ainsi qu'Aldo, Stéphane ,Eric qui m'a accompagné et Simone
une copine de Strasbourg. Je
pointe au commissariat qui possède à ma surprise un registre spécial pour
les diagonalistes. L'officier
présent me demande même mes papiers. Ca rigole pas! J'oublie d'envoyer la
carte Il
ne nous reste plus qu'à aller fêter au restaurant. Recommencerais
je ? Il est bien trop tôt pour y réfléchir mais certainement pas dans ces
conditions. La fin de mon parcours a été trop dure et efface pour l'heure
l'euphorie du départ et des Voilà
chers parents ,chers amis une histoire de 4 jours qui est quand même un drôle
de voyage intérieur. Je ne me suis jamais ennuyé durant cette période.
Puisque je devais faire un (court) compte rendu pour le délégué fédéral,
je me suis dit : autant vous en faire profiter. Je suis bien conscient que je
n'aurai jamais le Goncourt avec ma prose et il s'agit pour moi d'un exercice
inhabituel aussi je réclame toute votre indulgence. Je tiens à remercier ma
femme qui me supporte Je
termine mon périple avec une tendinite achilléenne bilatérale, des paresthésies
dans les 2 pieds et la main droite et à l'heure où j'écris ces lignes soit
15 jours plus tard je n'ai toujours pas récupéré d'une anesthésie mal placée
due à la compression par la selle des nerfs honteux internes. Quant
à ceux qui me demandent à moi médecin du sport quel est mon « truc » pour
m'aider dans ce genre de tentative, je vais vous livrer mon secret: j'utilise
la voie de dégradation aérobie des acides gras aboutissant à la formation
d'ATP ceci après enclenchement de la cétogenèse. Pour utiliser cette voie
énergétique il faut comme moi un long entrainement et 3 à 4 kg de surcharge
pondérale mobilisable selon les besoins. C'est ainsi que le lundi 06/08 c'est
un vaisseau chargé de munitions à ras bord qui quittait la rade de Brest :
pensez donc 30 à 40000 calories embarquées, il y a de quoi faire une
diagonale quasiment sans s'alimenter Ah Ah Ah!!! PS:
je viens d'avoir les nouvelles de Guy: il a fait 13ème aux championnats du
monde. Pas mal !! Philippe WAGNER |