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DIAGONALE

BREST  -  STRASBOURG

réalisée par Philipe WAGNER

Lorsque je monte les marches du commissariat de Strasbourg ce jeudi 9/8 vers 18 h 30, terme de ma diagonale débutée il y a 4 jours, mes sentiments sont partagés entre une certaine fierté, il faut le dire d'avoir été au bout d'un pari un peu fou et le sentiment d'avoir repoussé mes capacités physiques au delà du raisonnable du fait d'un orgueil et d'un ego excessif et à ce titre ne pas mériter l'admiration de ma femme(enfin elle est pas béate je vous rassure) et mes amis qui sont venus spontanément partager avec moi les derniers instants de cette traversée de la France d'ouest en est. J'ai du mal à contenir le flot d'émotions qui m'envahit alors, phénomène assez étonnant que je n'ai jamais connu jusqu'alors et qui est certainement la conséquence d'une fatigue extrême associée au combat contre la douleur que je mène depuis une trentaine d'heures. Mais toute histoire a un début.

Cinq ans plus tôt c'est en feuilletant les pages de Cycle magazine que je découvre l'existence d'une confrérie qui « commercialise » une randonneuse c'est à dire un vélo prévu pour se balader et voyager. Pensez donc un vélo muni de garde-boue et d'un éclairage, je n'en ai pas vu en magasin depuis belle lurette. Je me revois gamin inspectant sous toutes leurs coutures les vélos dans la vitrine du marchand de cycles. Et puis c'est quoi cette confrérie des 650 ? ça fait un peu mystique ce nom ou sectaire non ? Y seraient pas sérieusement allumés ces gens là ? Moi qui roule encore sur mon Specilazed carbone 700x23C histoire de peaufiner ma forme physique que j'entretiens pour pratiquer le VTT voilà que je me mets à rêver de ballades nez au vent que je pourrais terminer à la nuit tombante ou débuter au petit matin sans craindre l'obscurité voire un orage menaçant grâce à l'équipement complet de mon spad. C'est assez bouleversant.

Le contact est pris par téléphone avec Patrick Jean, secrétaire à l'époque promu depuis président de la dite confrérie et je découvre alors des gens passionnés enthousiastes dont la générosité confine parfois à la mauvaise foi mais leur combat me paraît franchement sympathique (un remake des gaulois luttant contre l'envahisseur anglo-saxon ça vous rappelle quelqu'un) et finalement je commande ma randonneuse en aout 2002 qui me sera livrée en avril 2003 (gloups! faut pas être pressé mais je vous rassure pour ceux que ça intéresse ces petits problèmes techniques ont été résolus d'après ce que me raconte Patrick et vous pouvez commander sans appréhension). Maintenant que je suis magnifiquement équipé je commence à rêver de longues chevauchées et c'est là que je découvre grâce au magnifique livre de notre confrère Raymond Henry la vie de Vélocio apôtre du cyclotourisme. Et voilà un septuagénaire capable de faire des virées à vélo de 2 à 300 voire 400 km dans la journée ou du moins en une étape uniquement en menant une vie saine comme il le dit (spartiate tendance ascèse serais je tenté de dire)! Le récit de ses aventures m'ouvre de nouveaux horizons. Et nous au vingt et unième siècle on doit être sérieusement ramolli du mollet pour ne pas être capable de réaliser les mêmes sorties avec des vélos modernes plus légers, fiables, avec une variation de développements beaucoup plus importante, des pneumatiques plus performants et un réseau routier bien plus favorable.

C'est ainsi qu'est née l'idée de cette diagonale que je pensais tenter en 2006 projet que j'ai du alors abandonner du fait de problèmes de disponibilité professionnelle. J'ai donc reporté ma tentative à cette année 2007 car j'avais réservé initialement ces jours d'aout pour aller à la semaine fédérale de cyclotourisme. et puis j'ai pensé que ce serait un beau cadeau pour l'année de mes 50 ans. Restait à savoir avec qui j'allais me lancer dans cette aventure. Mes amis proches sont essentiellement des compétiteurs pratiquant le VTT et le vélo de route mais certainement pas avec un garde boue au rythme d'un randonneur de sorte que je devais chercher ailleurs. J'ai alors pensé à mon ami Fernand installé non loin du Vercors toujours assez partant pour ce genre de défi mais j'ai pensé qu'il serait un peu juste physiquement (Oh!! Oh!!! je plaisante Fernand!) Non mais j'ai du lui en parler mais pour des raisons diverses et variées ça ne collait pas. J'ai interrogé les amis du club local de cyclotourisme dont certains étaient intéressés mais en même temps inquiets par l'ampleur du défi.

Jean Pierre (Adam notre secrétaire du club des cent cols)qui a déjà quelques diagonales à son actif aurait pu être avec moi mais pour lui la semaine fédérale de cyclotourisme c'est sacré. C'est qu'il connait trop de monde le jean Pierre à saluer. Bref je me suis dit: « ou tu la fais seul ou tu ne la feras jamais » ce qui ne simplifiait pas l 'ampleur de ma tâche.

J'ai donc commencé l'année par de bonnes résolutions concernant mon entrainement puisque tout mon problème allait être de concilier activité professionnelle, préparation physique et vie familiale. J’ai donc décidé d'aller tous les jours au boulot avec mon vélo au moins une fois par jour qu'il pleuve vente ou neige: il faut savoir que je ne m'engageais là qu'à effectuer une dizaine de km par jour avec 120m de dénivelée positive mais enfin c'est un choix qui m'a permis d'endurcir mon

Organisme et de valider certains choix techniques (je me suis rendu compte que le système d'éclairage par dynamo ne fonctionnait pas sous la pluie et je l'ai changé pour un ensemble à piles. J'ai pu aussi apprécier le confort des différentes selles testées car, si le trajet est court, il se fait sans cuissard et est donc bien plus révélateur. Enfin j'ai pu terminer d'affiner les réglages de position essentiels et variables dans la saison selon le nombre de km)

Il a ensuite fallu créer le tracé (heureusement j'ai pu bénéficier des renseignements fournis par l'amicale des diagonalistes sur son site),le faire valider par le délégué fédéral, réserver les hôtels, le train...

En matière de préparation donc y compris les 60 km hebdomadaires évoqués précédemment, j’ai du effectuer environ 4500km dont 3000 en route et le reste en VTT plus une semaine de raid alpin Chamonix Zermatt en avril (une bonne idée celle là de mon remplaçant Paulo qui est bien plus que ça même qu'il a fallu trouver un remplaçant au remplaçant pour partir ensemble) et une semaine de randonnée pédestre à Madère en juin qui m'ont permis d'améliorer l'endurance que j'ai naturellement grâce aux différentes activités physiques pratiquées depuis des années. En juin juillet j'ai bénéficié du soutien de mon pote Denis qui a effectué pas mal de sorties avec moi. Denis mon pote biologiste que c'est une sacrée vedette celui là. Une bête physiquement qui aurait pu m'accompagner ça c'est sur mais il avait pas envie. Y a des choses qui se discutent pas . Enfin grâce à lui j'arrive à faire des sorties de 150km sans trop de fatigue. Sa femme Aline elle dit que je vieillis mal(rapport à ma tentative). Pourtant je ne me suis jamais senti aussi endurant. C’est marrant cette vision différente que l'on a entre femmes et hommes. Elle a peut être raison mais j'en suis pas sur.

Le 14/07 à 3 semaines du départ je voudrais bien faire le maximum de vélo mais je sens que Maryse fatigue sérieusement et je ne coupe pas au WE de rando en Suisse à Kandersteg avec Paulo et Bénédicte. Super WE en fait avec grand beau temps, compagnie sympa, parcours idem (a renouveler ça c'est sur) mais je reviens avec des tendons d'Achille sensibles et un hématome sous unguéal des 2 gros orteils du à une paire de chaussures inadaptées. Je ne sais pas si c'est vraiment la meilleure préparation mais c'était ça ou un divorce et comme j'ai pas envie du 2ème choix...

Une semaine plus tard je fais l'aller retour chez mes parents 135 bornes le samedi et 230 le dimanche avec vent debout toute la journée. Je me sens plutôt bien. Je trouve mon père en bonne forme et ça me fait du bien de le voir ainsi. En effet depuis 1 an ou 2 il a du mal avec différents problèmes de santé et c'est bon de le sentir mieux.

En arrivant au nord de Nancy je rencontre un confrère inconnu, un type avec une randonneuse qui arbore l'autocollant de la confrérie sur son garde boue c’est pas si courant. Il me dit faire partie des amis du randonneur et connait bien Claude Raffenne comme moi de St Dié. Il me fait traverser Nancy le long des berges de la Meurthe du nord au sud, voilà un itinéraire inédit.

Derniers réglages derniers préparatifs et je prends donc le TGV direction Rennes (génial ce TGV Est, rapide confortable et pas de problème pour caser le vélo). Ais je fait le bon choix en embarquant 2 sacoches surbaissées en plus de celle de guidon ? J'ai quand même pesé le vélo à 25 kg sans la flotte soit 3 de plus. Ais je pris tous les outils nécessaires ? Et les vêtements ? C'est le moment de tous les questionnements, celui qui précède l'action moment toujours difficile à vivre d'autant que je suis seul et il me manque un copain pour raconter des conneries!

J'arrive à Brest samedi soir et vais directement à l'hôtel. Repas et coucher de bonne heure car il faut que j'emmagasine un max de repos voilà ce que j'essaie de faire depuis 15 jours même si c'est loin d'être facile entre les amis qui viennent passer le WE, les enfants qu'on a pas vu depuis un (parfois) long moment, le travail toujours aussi prenant mais passionnant (une bonne cinquantaine d'heures hebdomadaires minimum),la vie qui s'écoule quoi!

Dimanche il fait grand beau et j'en profite pour effectuer une reconnaissance du début du parcours (je fais environ 70km en ballade), étalonnage du compteur. Je suis à l'écoute de tous les bruits du vélo. Ais je mis la bonne pression ? 4,5 bars dans mes megamium ça devrait le faire. Ouah c'est bien vallonné par ici.

En me promenant le long de la mer en vélo je fais une chute en glissant dans un virage dont le bitume est recouvert de sable et je n'arrive pas à décaler ma pédale intérieure! Bilan paume de main G éraflée (évidemment j'avais pas de gant) idem pour le genou et le coude. Sur le coup je suis très inquiet pour ma main atteinte juste sur la zone d'appui du cintre. Faut vraiment être abruti et en plus j'ai fait attention toute la journée et sur un instant de rêvasserie je tombe! La selle a pivoté sur son axe idem pour le support de feu arrière et la cocotte de frein. Heureusement rien de rédhibitoire et je redresse tout ça. Je me console en allant manger 2 crêpes délicieuses et vite servies (voilà ce qu'il me faudrait pendant ma traversée pour me restaurer). Après midi visite de l'arsenal. Repas de bonne heure et coucher à 9h30.

Je suis réveillé avant l'heure prévue(étonnant cette capacité que l'on acquiert en vieillissant d'anticiper l'heure du réveil. J’aimerai bien retrouver mon sommeil de 20 ans).Je pointe au commissariat central de Brest à 4h30. Le flic de service n'a pas l'air surpris. « vous allez où? Ah oui! Vont souvent à Strasbourg les candidats » (faut dire que c'est ça ou Perpignan)

Le départ est facile d'autant que connu mais y a de la côte. Pourtant j'ai des jambes de feu. La montée à Roc Trevezel me paraît malgré tout longue et pis ça ressemble bigrement aux Vosges ici: sapins et brume matinale je suis pas dépaysé. Et mais je vois toute la Bretagne d'ici! Ensuite longue descente sur Carhaix Plouguier. Je prends le vent de dos heureusement car ça reste vallonné. J’en profite pour vérifier que mon système de navigation est au point. En fait j'ai scanné les cartes en format A4 que j'ai plastifié recto-verso et je couvre l'ensemble de la diagonale avec 13 unités que je fixe à la sacoche de guidon avec 2 pinces plus les cartes des villes traversées imprimées avec le tracé à suivre au stabilo non plastifiées pour gagner du poids.pas de problème de ce coté là.

J'arrive à Mael Carhaix contrôle n° 1 où je pointe à la poste après une tentative à la boulangerie qui n'a qu'un tampon rouge sans signification. Ensuite contrôle 2 à Quédillac au relais de la Rance. La patronne est une habituée du Paris Brest Paris « on fait le plein à chaque fois. Le chef est un fan de vélo. Ici vous êtes les bienvenus. J'ai déjà des américains qui s'entrainent actuellement pour PBP. » La journée se déroule sans encombres. Je traverse de nombreux villages qui annoncent fièrement leur appartenance au parcours de PBP.  

Je fatigue un peu à la fin et perds 20 mn à chercher mon hôtel à Fougères (le plan que j'ai imprimé sur internet est complètement foireux).Arrivée à 19h un peu en avance sur le tempo. Au compteur 294 km et 21,7 de moyenne(donc en décomptant les arrêts) mais surtout 2700m de dénivelée positive! Je ne pensais pas en faire autant.

Le repas est divin avec petits légumes et purée d'aubergines même si peut être pas assez calorique.

J'essaie de me réhydrater un max. La nuit est difficile. J'ai l'impression (fausse) de ne pas dormir du tout. Tiens une averse pourvu qu'il ne pleuve pas demain. Mais qu'est qu'ils ont les deux là à venir s'engueuler sous ma fenêtre! J’entends toutes les heures et demi-heures sonner au clocher.

Lever à 4h petit déj dans la chambre et je pars à 5h. Le début est plus difficile que prévu. Ne pas se fier au compteur mais aux sensations dans les jambes car je vais me rendre compte au fil des jours que la mise en route est de plus en plus longue. Je freine dans les descentes car j'ai peur d'une chute due à un trou dans la chaussée que je verrais au dernier instant et l'éclairage quoique correct est insuffisant au delà de 30 km/h (lampe Cateye). Un lapereau vient courir en zig zag dans mon faisceau de lumière.

A Fresnay sur Sarthe je me sens mieux, effectue le contrôle prévu à l'office du tourisme et lorsque je me dis que la vie est belle et que c'est pas si dur que ça une diagonale voilà que j'attaque les collines du Perche. Obligé de mettre le petit plateau une bonne douzaine de fois! Ah je m'en souviendrai des Mamers Bellême et consorts...En plus j'ai la pluie encore hésitante et intermittente. Maintenant ça va mieux en approchant de Chartres ça dénivelle beaucoup moins et je trouve un garagiste pour tamponner mon carnet de route à Bailleau le Pin. Je traverse Chartres sous un déluge du à un violent orage et poursuis ma route avec un bon petit vent dans le dos qui me permet de souffler jusqu'à Etampes où j'arrive avec 10 mn de retard sur le programme (pas mal quand même le tempo) Au compteur 291 km et 20,57 de moyenne D+ 2350m(encore!) l'hôtel est une étape typique de chaine hôtelière sans saveur mais je ne suis pas là pour farnienter en profitant du décor. Ils n'ont pas de local pour mon vélo et après discussion je peux le mettre dans ma chambre qui est au RDC (sympa quand même). En effet chaque soir je dois m'annoncer, trouver un local pour le vélo(et pouvoir le récupérer à 5h),demander un plateau petit déjeuner (avec un réveil à 4h tu penses!) aller prendre ma douche, faire quelques étirements, téléphoner à ma femme pour donner quelques nouvelles en commandant le repas puis étudier les cartes pour

Le lendemain, en mangeant, tout en essayant de mémoriser les passages délicats afin de ne pas perdre de temps. Coucher vers 22h plutôt bien fatigué. Je dors comme un loir et me réveille en sursaut. Merde! Il fait jour j'ai loupé l'heure du réveil! Tiens il est 3h10 à ma montre ??elle déconne ? Je me lève pour constater que la lumière que j'aperçois est en fait celle de l'enseigne de l'hôtel. Pffff! J'ai eu la trouille. Il tombe des cordes! Je me rendors difficilement. Lever et petit déj avec café biscottes et confiture. Ils ont même pas mis de beurre sur le plateau.

Je pars sous la flotte direction Fontainebleau où je m'arrête prendre un café bien chaud avec un croissant et je ferai là ma seule erreur de parcours car le garçon de café m'affirme avec assurance que ma route est à l'opposé de ma direction. En fait quand je demande un renseignement sur ma route les gens n'entendent que la direction et pas les étapes intermédiaires encore moins les N° de départementales qu'ils ne connaissent pas. « vous devez retourner au carrefour de l'obélisque et là vous trouverez la route de Montereau Fault-Yonne » Tu parles il m'a envoyé sur une nationale à 4 voies où les bahuts me dépassent à 110. Moi qui ai essayé de tracer ma diagonale en évitant au maximum les grands axes! heureusement je trouve un tracé de délestage via Avon et Thomery puis Champagne sur Seine où je prends un pont qui me ramène sur la rive droite de la Seine Ensuite c'est tout plat car on suit la vallée de la Seine puis l'Aube. A Hermé je ne passe pas directement dans le centre du village et ne trouve pas de commerce pour tamponner. Pas grave j'ai fait une photo à l'entrée du village avec mon vélo comme m'y autorise le règlement et la fatigue aidant j'ai pas vraiment envie de faire demi-tour car le village est assez étalé. Néanmoins en sortie de celui ci je rencontre 2 femmes en train de fumer leur clope à l'entrée d'une unité de production (je n'ose pas dire ferme tant le gigantisme de ces exploitations m'épate) de pommes de terre. Elles font leur pause. Je leur explique sommairement mon expédition et demande à l'une d'entre elles d'apposer sa signature sur mon carnet de route avec son n° de tél et de témoigner le cas échéant si le délégué fédéral veut les appeler, de mon passage. « vous vous souviendrez avoir aperçu un cinglé faisant Brest Strasbourg le 8/8 ? » je vois à leur mine réjouie qu'elles ne sont pas prêtes de m'oublier.

Le parcours est plat et j'ai beau avoir le vent dans le dos je suis inquiet car j'ai des débuts de crampes dans le vaste interne droit. Je m'arrête régulièrement pour m'étirer et réduis mon allure moyennant quoi les crampes ne s'aggravent pas mais elles laissent la place progressivement à une douleur permanente de cette zone quadricipitale longtemps masquée par le profil très favorable du parcours à ce moment là.

C'est à Montier en Der après un contrôle chez la fleuriste « mais alors là vous êtes en vacances ? Oui on peut voir les choses comme ça », que l'affaire se corse car je rentre alors dans une zone très vallonnée ou je vais affronter les côtes de la Marne puis de la Meuse. Et là c'est l'horreur! Ma cuisse me fait terriblement mal, impossible de me mettre en danseuse et de soulager mon postérieur. J’adopte une position sur le vélo un peu différente assis un peu plus en arrière sur la selle afin de pédaler avec les ischio-jambiers de sorte que l'appui périnéal se fait sur le châssis de la selle et non sur la partie souple en cuir aggravant les problèmes de compression de cette zone. A Montier sur Saulx la route est fermée à cause de travaux. J'hésite et décide de l'emprunter malgré tout. A cette heure tardive seule une dameuse travaille encore. J'effectue 5 km sur une sorte de trap damé sans trop de difficultés grâce à mes pneus de 32 mm.

La douleur est telle que je crois abandonner 20 fois. J'ai appris depuis à bien lire les cartes Michelin et suis capable de voir la moindre petite flèche indiquant les déclivités ainsi que les cotes d'altitude.

Heureusement que je n'ai pas besoin de lunettes (c'est pratique parce que j'ai un œil myope et un presbyte) car je lis et j'ai lu les cartes quasiment toujours en roulant. Je me fais tout un tas de films dans la tête en me disant que je vais demander à untel de me prendre dans sa voiture mais les rares véhicules qui me dépassent le font à une allure ne me permettant pas de les interpeller. A un moment j'aperçois un 4x4 qui s'arrête plusieurs fois devant moi et repart (vraisemblablement un chasseur qui fait une ronde de surveillance) et je me dis que lorsque je serai à sa hauteur je vais lui demander de m'embarquer et vais tout plaquer sur place mais il finit par démarrer 100 m avant que je le rejoigne pour disparaître définitivement.

Et toujours cette douleur et maintenant les tendons d'Achille qui me font très mal. Je pense alors qu'il m'a manqué 2000 km de préparation avec 2-3 WE à 600 bornes pour finir cette diagonale dans de meilleures conditions. Mais comment font ils donc les diagonalistes ? Les « grognards » que dis-je le corps d'élite de la fédé! Faut il avoir parcouru 10000 km pour être à l'aise ou ne parlent ils pas de leur souffrance dans les compte rendu. A 30 km de l'étape j'appelle l'hôtel pour leur signifier mon retard en espérant que l'hôtelier proposera de venir me chercher. « pas de problème on vous attend » me rétorque t 'il. Je suis bon pour finir l'étape à vélo et j'arrive fourbu à Houdelaicourt avec 45 mn de retard sur l'horaire soit 20h45. Trouver un emplacement pour le vélo, prendre sa douche, manger etc...Je trouve la force de téléphoner à Maryse: -pas la grande forme. J'essaie de repartir demain. Non je sais pas si je vais pouvoir franchir les Vosges. Je vais jusqu'à Senones si je peux et je verrai. Bisous.

Je vais me coucher vers 10h30 285 km D+1745m moyenne 20,03 km/h

Lever à 4h. J'ai mal partout. Putain qu'est ce qu'il tombe! Je sors de l'hôtel en claquant la porte derrière moi et charge le vélo. Merde j'ai oublié mon compteur dans la chambre et plus moyen de rentrer dans l'hôtel. Tant pis je partirai sans. A Gondrecourt village contrôle je fais une photo devant le panneau ¼ h après mais c'est pas facile d'avoir le vélo et ce panneau fluo au flash qui surexpose. Tant pis vu mon état je vais pas y passer ½ h. Et puis avec la fatigue pas facile de se concentrer sur les réglages d'exposition de l'appareil photo. Les 2 premières heures de nuit sont difficiles. Je n'avance pas malgré un profil globalement descendant. De plus je rencontre plein d'animaux; chevreuil, lapins, renards(non mais tu vas filer toi! Il reste sur la route à me regarder à moins de 10m. Mais il va me bouffer le mollet!).une biche me passe devant je manque de la percuter. Ma faible lumière ne les effraie pas le moins du monde. J’ai cru me faire attaquer par un gros chien en traversant un village de nuit. Je vois poindre le jour avec satisfaction. Le parcours est fait de nombreuses côtes qui se succèdent mais les jambes vont un peu mieux et le déluge qui s'abat sur moi est compensé par un fort vent arrière. Ma veste avec une membrane imperméable et respirante est vraiment géniale. Je suis au sec et climatisé comme dans la pub.  

J'ai comme autre avantage de connaître parfaitement la fin du parcours. Pour l'heure il faut que j'aille jusqu'au pied du Donon et après on verra. Les vaches me regardent en se demandant ce que je peux bien faire sur mon vélo. Et moi aussi d'ailleurs: -mais tu l'as voulu mon gars. Tu voulais te prouver qu'avec de la volonté on peut réaliser des projets un peu fous. Et ben pédales maintenant. Je me souviens d'une conversation avec mon fils où paraphrasant yoda le maitre Jedi de la saga Stars war, je lui avais expliqué que la force est en lui. C'est un peu pour lui que je pédale aujourd'hui en espérant qu'il comprenne que la force est en nous mais qu'il faut savoir s'en servir ,la contrôler, l'apprivoiser. Je pense dans ces moments là aussi beaucoup à mes filles et ma femme, qui je sais, elles me connaissent, n'aimeraient pas me voir abandonner face à l 'adversité.

Pour l'heure je ne contrôle plus grand chose. Je passe la Meuse puis la Moselle et arrive à Baccarat.et ma cuisse qui me refait vraiment mal. Je sens que mes forces me quittent, je me vide. Le moral est vraiment bas. J’arrive à Raon tout près de chez moi et rencontre Stéphane venu à ma rencontre avec une ambulance pendant ses heures de boulot. Non c'est pas pour moi l'ambulance. Je vais pas lâcher le morceau maintenant. La fatigue et la douleur ne me permettent plus de contenir mes émotions et je me mets à pleurer stupidement.

-qu'est ce que je peux faire pour toi? -m'enlever cette putain de douleur!

Heureusement Stéphane habitué des efforts de longue durée comprend que ce n'est qu'une réaction d'émotion passagère.

-Eric t'attend à Moyen moutier dans un abri bus. OK je continue mon chemin. Mes tendons d'Achille ne sont que 2 lames de feu. Je ne passerai jamais le Donon. Ah ça y est j'aperçois mon fidèle Eric qui a bravé le temps abominable (il doit faire 10°C sous des trombes d'eau) pour m'accompagner jusque Strasbourg.

-Et mais t'as même pas de garde boue tu pourras jamais venir avec moi! C'est ce qu'on va voir mon gars. j'ai pris une journée de repos pour aller à Strasbourg avec toi. C'est sympa ça. Sa présence me fait le plus grand bien et je retrouve quelques forces pour affronter la montée du col de Prayé qui redescend ensuite sur le Donon. Nous sommes rejoints par Guy responsable d'une entreprise de ramassage des ordures ménagères.  

 

diagonale Brest Strasbourg (14).jpg (1350681 octets) Cliquez sur la photo

- J'ai bousculé les gars toute la matinée pour qu'ils terminent les tournées plus tôt pour que je puisse être avec toi. T'as vu le temps qu'il fait! Heureusement que les gens ne nous voient pas. Ils nous prendraient pour des cinglés. Putain j'ai jamais monté le col aussi lentement. J’ai le palpitant bloqué à 65! Hier j'ai fait une sortie avec Greg on a fait 150km en se rentrant dedans comme t'imagines pas!

Ses conneries me font le plus grand bien même si je monte en zigzaguant sur la route pour étaler la pente. Faut dire que Guy et Eric sont de vrais coursiers. Et Guy il prépare les championnats du monde vétéran qui auront lieu dans 15 jours en Autriche. Drôle d'association dans la montée de ce col.

Finalement je parviens à trouver les forces pour monter sans mettre pied à terre ce qui me semblait impossible au bas de celui ci.

Ensuite c'est la descente sur Schirmeck puis direction Molsheim où je prends la piste cyclable du canal de la Bruche. Parcours archi connu et je sais qu'il n'y a plus de difficultés. J'entrevois le bout de mon entreprise. Piste bucolique à souhait mais je n'y suis guère sensible aujourd'hui. Ecluses, canards, cygnes, rats-gondin, cigognes...Une crevaison lente m'oblige à donner quelques coups de pompe à 10 km du but. Ce sera mon seul souci mécanique sur 1100 km. J'ai craint longtemps pour ma chaine lessivée par la pluie mais j'ai fait très attention lors des deux derniers jours à la ménager lors des changements de vitesse et l'ai huilé plusieurs fois.

Je n'avance vraiment plus. Les réserves énergétiques de mon organisme sont vraiment épuisées. L'entrée dans Strasbourg est un pur régal au niveau du parcours. J'ai pu accéder au commissariat central sans quitter les pistes cyclables et sans être jamais au contact de la moindre voiture. Génial. Un bel exemple à suivre. Voilà j'atteins mon objectif dans l'état d'esprit décrit précédemment. Kilométrage estimé 230km .D+1810m .moyenne inconnue.

Je retrouve ma femme ainsi qu'Aldo, Stéphane ,Eric qui m'a accompagné et Simone une copine de Strasbourg.

Je pointe au commissariat qui possède à ma surprise un registre spécial pour les diagonalistes.

L'officier présent me demande même mes papiers. Ca rigole pas! J'oublie d'envoyer la carte d'arrivée au délégué fédéral ce qui sera corrigé le lendemain à St Dié. De toutes façons elle est trempée et se serait déchirée sans séchage préalable.

Il ne nous reste plus qu'à aller fêter au restaurant.

Recommencerais je ? Il est bien trop tôt pour y réfléchir mais certainement pas dans ces conditions. La fin de mon parcours a été trop dure et efface pour l'heure l'euphorie du départ et des premiers jours.

Voilà chers parents ,chers amis une histoire de 4 jours qui est quand même un drôle de voyage intérieur. Je ne me suis jamais ennuyé durant cette période. Puisque je devais faire un (court) compte rendu pour le délégué fédéral, je me suis dit : autant vous en faire profiter. Je suis bien conscient que je n'aurai jamais le Goncourt avec ma prose et il s'agit pour moi d'un exercice inhabituel aussi je réclame toute votre indulgence. Je tiens à remercier ma femme qui me supporte depuis des années et plus particulièrement depuis le début de 2007.

Je termine mon périple avec une tendinite achilléenne bilatérale, des paresthésies dans les 2 pieds et la main droite et à l'heure où j'écris ces lignes soit 15 jours plus tard je n'ai toujours pas récupéré d'une anesthésie mal placée due à la compression par la selle des nerfs honteux internes.

Quant à ceux qui me demandent à moi médecin du sport quel est mon « truc » pour m'aider dans ce genre de tentative, je vais vous livrer mon secret: j'utilise la voie de dégradation aérobie des acides gras aboutissant à la formation d'ATP ceci après enclenchement de la cétogenèse. Pour utiliser cette voie énergétique il faut comme moi un long entrainement et 3 à 4 kg de surcharge pondérale mobilisable selon les besoins. C'est ainsi que le lundi 06/08 c'est un vaisseau chargé de munitions à ras bord qui quittait la rade de Brest : pensez donc 30 à 40000 calories embarquées, il y a de quoi faire une diagonale quasiment sans s'alimenter Ah Ah Ah!!!

PS: je viens d'avoir les nouvelles de Guy: il a fait 13ème aux championnats du monde. Pas mal !!

                                                        Philippe  WAGNER